Marcel Proust A l’ombre des jeunes filles en fleurs
Un jour, à l’heure du courrier, ma mère posa sur mon lit une lettre
La vie est semée de ces miracles que peuvent toujours espérer les personnes qui aiment. Il est possible que celui-ci eût été provoqué artificiellement par ma mère qui voyant que depuis quelque temps j’avais perdu tout coeur à vivre, avait peut-être fait demander à Gilberte de m’écrire, comme, au temps de mes premiers bains de mer, pour me donner du plaisir à plonger, ce que je détestais parce que cela me coupait la respiration, elle remettait en cachette à mon guide baigneur de merveilleuses boîtes en coquillages et des branches de corail que je croyais trouver moi-même au fond des eaux. D’ailleurs, pour tous les événements qui dans la vie et ses situations contrastées, se rapportent à l’amour, le mieux est de ne pas essayer de comprendre, puisque, dans ce qu’ils ont d’inexorable, comme d’inespéré, ils semblent régis par des lois plutôt magiques que rationnelles. Quand un multimillionnaire, homme malgré cela charmant, reçoit son congé d’une femme pauvre et sans agrément avec qui il vit, appelle à lui, dans son désespoir, toutes les puissances de l’or et fait jouer toutes les influences de la terre, sans réussir à se faire reprendre, mieux vaut devant l’invincible entêtement de sa maîtresse supposer que le Destin veut l’accabler et le faire mourir d’une maladie de coeur plutôt que de chercher une explication logique. Ces obstacles contre lesquels les amants ont à lutter et que leur imagination surexcitée par la souffrance cherche en vain à deviner, résident parfois dans quelque singularité de caractère de la femme qu’ils ne peuvent ramener à eux, dans sa bêtise, dans l’influence qu’ont prise sur elle et les craintes que lui ont suggérées des êtres que l’amant ne connaît pas, dans le genre de plaisirs qu’elle demande momentanément à la vie, plaisirs que son amant, ni la fortune de son amant ne peuvent lui offrir. En tous cas l’amant est mal placé pour connaître la nature des obstacles que la ruse de la femme lui cache et que son propre jugement faussé par l’amour l’empêche d’apprécier exactement. Ils ressemblent à ces tumeurs que le médecin finit par réduire mais sans en avoir connu l’origine. Comme elles ces obstacles restent mystérieux mais sont temporaires. Seulement ils durent généralement plus que l’amour. Et comme celui-ci n’est pas une passion désintéressée, l’amoureux qui n’aime plus ne cherche pas à savoir pourquoi la femme pauvre et légère qu’il aimait, s’est obstinément refusée pendant des années à ce qu’il continuât à l’entretenir.
Prima Gilberte e poi Albertine, il protagonista-narratore insegue quasi angosciosamente l’eterno femminino, che però lo illude e delude continuamente. E’ proprio vero che in amore si rincorre soltanto il proprio sogno, e quando lo si raggiunge, che disinganno !
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