domenica 3 settembre 2017

Il mito di Cleopatra

Théophile Gautier, Une nuit de Cléopâtre
( 1845 )


Cléopâtre ne s’endormit que le matin, à l’heure où rentrent les songes envolés
par la porte d’ivoire. L’illusion du sommeil lui fit voir toute sorte d’amants se jetant
à la nage, escaladant les murs pour arriver jusqu’à elle, et, souvenir de la veille, ses
rêves étaient criblés de flèches chargées de déclarations amoureuses. Ses petits
talons agités de tressaillements nerveux frappaient la poitrine de Charmion, couchée
en travers du lit pour lui servir de coussin.
Lorsqu’elle s’éveilla, un gai rayon jouait dans le rideau de la fenêtre dont il
trouait la trame de mille points lumineux, et venait familièrement jusque sur le
lit voltiger comme un papillon d’or autour de ses belles épaules qu’il effleurait en
passant d’un baiser lumineux. Heureux rayon que les dieux eussent envié !
Cléopâtre demanda à se lever d’une voix mourante comme un enfant malade ;
deux de ses femmes l’enlevèrent dans leurs bras et la posèrent précieusement à
terre, sur une grande peau de tigre dont les ongles étaient d’or et les yeux d’escarboucles.
Charmion l’enveloppa d’une calasiris de lin plus blanche que le lait,
lui entoura les cheveux d’une résille de fils d’argent, et lui plaça les pieds dans
des tatbebs de liège sur la semelle desquels, en signe demépris, l’on avait dessiné
deux figures grotesques représentant deux hommes des races Nahasi et Nahmou,
les mains et les pieds liés, en sorte que Cléopâtre méritait littéralement l’épithète
de conculcatrice des peuples, que lui donnent les cartouches royaux.
C’était l’heure du bain. Cléopâtre s’y rendit avec ses femmes.
Les bains de Cléopâtre étaient bâtis dans de vastes jardins remplis de mimosas,
de caroubiers, d’aloès, de citronniers, de pommiers persiques, dont la fraîcheur
luxuriante faisait un délicieux contraste avec l’aridité des environs ; d’immenses
terrasses soutenaient des massifs de verdure et faisaient monter les fleurs
jusqu’au ciel par de gigantesques escaliers de granit rosé ; des vases de marbre
pentélique s’épanouissaient comme de grands lis au bord de chaque rampe, et
les plantes qu’ils contenaient ne semblaient que leurs pistils ; des chimères caressées
par le ciseau des plus habiles sculpteurs grecs, et d’une physionomie moins
rébarbative que les sphinx égyptiens avec leur mine renfrognée et leur attitude
morose, étaient couchées mollement sur le gazon tout piqué de fleurs, comme
de sveltes levrettes blanches sur un tapis de salon : c’étaient de charmantes figures
de femme, le nez droit, le front uni, la bouche petite, les bras délicatement
potelés, la gorge ronde et pure, avec des boucles d’oreilles, des colliers et des
ajustements d’un caprice adorable, se bifurquant en queue de poisson comme la
femme dont parle Horace, se déployant en aile d’oiseau, s’arrondissant en croupe
de lionne, se contournant en volute de feuillage, selon la fantaisie de l’artiste ou
les convenances de la position architecturale ? une double rangée de ces délicieux
monstres bordait l’allée qui conduisait du palais à la salle.
Au bout de cette allée, on trouvait un large bassin avec quatre escaliers de porphyre
; à travers la transparence de l’eau diamantée on voyait les marches descendre
jusqu’au fond sablé de poudre d’or ; des femmes terminées en gaine comme
des cariatides faisaient jaillir de leurs mamelles un filet d’eau parfumée qui retombait
dans le bassin en rosée d’argent, et en picotait le clair miroir de ses gouttelettes
grésillantes. Outre cet emploi, ces cariatides avaient encore celui de porter
sur leur tête un entablement orné de néréides et de tritons en bas-relief et muni
d’anneaux de bronze pour attacher les cordes de soie du vélarium. Au delà du
portique l’on apercevait des verdures humides et bleuâtres, des fraîcheurs ombreuses,
un morceau de la vallée de Tempe transporté en Egypte. Les fameux jardins
de Sémiramis n’étaient rien auprès de cela.
Nous ne parlerons pus de sept ou huit autres salles de différentes températures,
avec leur vapeur chaude ou froide, leurs boîtes de parfums, leurs cosmétiques,
leurs huiles, leurs pierres ponces, leurs gantelets de crin, et tous les raffinements
de l’art balnéatoire antique poussé à un si haut degré de volupté et de raffinement.
Cléopâtre arriva, la main sur l’épaule de Charmion ; elle avait fait au moins
trente pas toute seule ! grand effort ! fatigue énorme! Un léger nuage rosé, se répandant sous la peau transparente de ses joues, en rafraîchissait la pâleur passionnée ; ses tempes blondes comme l’ambre laissaient voir un réseau de veines bleues ; son front uni, peu élevé comme les fronts antiques, mais d’une rondeur et d’une forme parfaites, s’unissait par une ligne irréprochable à un nez sévère et
droit, en façon de camée, coupé de narines rosés et palpitantes à la moindre émotion,
comme les naseaux d’une tigresse amoureuse ; la bouche petite, ronde, très
rapprochée du nez, avait la lèvre dédaigneusement arquée ; mais une volupté effrénée, une ardeur de vie incroyable rayonnait dans le rouge éclat et dans le lustre humide de la lèvre inférieure. Ses yeux avaient des paupières étroites, des sourcils minces et presque sans inflexion. Nous n’essayerons pas d’en donner une idée ; c’était un feu, une langueur, une limpidité étincelante à faire tourner la tête de chien d’Anubis lui-même; chaque regard de ses yeux était un poème supérieur à ceux d’Homère ou de Mimnerme; un menton impérial, plein de force et de domination, terminait dignement ce charmant profil.
Elle se tenait debout sur la première marche du bassin, dans une attitude pleine
de grâce et de fierté ; légèrement cambrée en arrière, le pied suspendu comme une
déesse qui va quitter son piédestal et dont le regard est encore au ciel ; deux plis
superbes partaient des pointes de sa gorge et filaient d’un seul jet jusqu’à terre.
Cléomène, s’il eût été son contemporain et s’il eût pu la voir, aurait brisé sa Vénus
de dépit.


Lucano, Pharsalia, X, 111 e sg ( il lusso degli appartamenti della regina ) :

pax ubi parta ducis donisque ingentibus empta est,
excepere epulae tantarum gaudia rerum,
explicuitque suos magno Cleopatra tumultu
nondum translatos Romana in saecula luxus.                  110
ipse locus templi, quod uix corruptior aetas
extruat, instar erat, laqueataque tecta ferebant
diuitias crassumque trabes absconderat aurum.
nec summis crustata domus sectisque nitebat
marmoribus, stabatque sibi non segnis achates                  115
purpureusque lapis, totaque effusus in aula
calcabatur onyx; hebenus Mareotica uastos
non operit postes sed stat pro robore uili,
auxilium non forma domus. ebur atria uestit,
et suffecta manu foribus testudinis Indae                  120
terga sedent, crebro maculas distincta zmaragdo.
fulget gemma toris, et iaspide fulua supellex
<stat mensas onerans, uariaque triclinia ueste>                  122a
strata micant, Tyrio cuius pars maxima fuco
cocta diu uirus non uno duxit aeno,
pars auro plumata nitet, pars ignea cocco,                  125
ut mos est Phariis miscendi licia telis.
tum famulae numerus turbae populusque minister.
discolor hos sanguis, alios distinxerat aetas;
haec Libycos, pars tam flauos gerit altera crines
ut nullis Caesar Rheni se dicat in aruis                  130
tam rutilas uidisse comas; pars sanguinis usti
torta caput refugosque gerens a fronte capillos;
nec non infelix ferro mollita iuuentus
atque exsecta uirum: stat contra fortior aetas
uix ulla fuscante tamen lanugine malas.                  135
     discubuere illic reges maiorque potestas
Caesar; et inmodice formam fucata nocentem,
nec sceptris contenta suis nec fratre marito,
plena maris rubri spoliis, colloque comisque
diuitias Cleopatra gerit cultuque laborat.                  140
candida Sidonio perlucent pectora filo,
quod Nilotis acus conpressum pectine Serum
soluit et extenso laxauit stamina uelo.
dentibus hic niueis sectos Atlantide silua
inposuere orbes, quales ad Caesaris ora                  145
nec capto uenere Iuba. pro caecus et amens
ambitione furor, ciuilia bella gerenti
diuitias aperire suas, incendere mentem
hospitis armati. non sit licet ille nefando
Marte paratus opes mundi quaesisse ruina;                  150
pone duces priscos et nomina pauperis aeui
Fabricios Curiosque graues, hic ille recumbat
sordidus Etruscis abductus consul aratris:
optabit patriae talem duxisse triumphum.
     infudere epulas auro, quod terra, quod aer,                  155
quod pelagus Nilusque dedit, quod luxus inani
ambitione furens toto quaesiuit in orbe
non mandante fame; multas uolucresque ferasque
Aegypti posuere deos, manibusque ministrat
Niliacas crystallos aquas, gemmaeque capaces                  160
excepere merum, sed non Mareotidos uuae,
nobile sed paucis senium cui contulit annis
indomitum Meroe cogens spumare Falernum.
accipiunt sertas nardo florente coronas
et numquam fugiente rosa, multumque madenti                  165
infudere comae quod nondum euanuit aura
cinnamon externa nec perdidit aera terrae,
aduectumque recens uicinae messis amomon.
discit opes Caesar spoliati perdere mundi
et gessisse pudet genero cum paupere bellum                  170


Shakespeare, Antonio e Cleopatra

Atto II, scena II


ENOBARBO: Vi dirò. La barca in cui sedeva simile a un trono brunito splendeva sull'acqua: la poppa era d'oro battuto: le vele di porpora e così profumate che i venti languivano d'amore per esse; i remi erano d'argento e si abbassavano ritmicamente al suono dei flauti obbligando l'acqua che essi colpivano a seguirli più rapida quasi fosse innamorata delle loro percosse. In quanto alla sua persona rendeva meschina ogni descrizione: ella giaceva sotto la sua tenda di drappo d'oro tessuto offuscando quella Venere in cui vediamo l'immaginazione superare la natura: da entrambi i lati le stavano dei graziosi bambini paffuti come sorridenti amorini con flabelli versicolori la cui brezza pareva infiammare le delicate guance che essi rinfrescavano facendo ciò che essi disfacevano.
AGRIPPA: Oh mirabile spettacolo per Antonio!
ENOBARBO: Le sue donzelle simili a Nereidi o sirene le si affaccendavano d'attorno e nell'atto d'inchinarla l'adornavano; al timone governava una dall'aspetto di sirena; il serico sartiame si tendeva sotto il tocco di quelle mani delicate come fiori che celermente accudivano al loro ufficio. Dalla barca uno strano e sottile profumo si spandeva a colpire i sensi delle vicine sponde. La città riversava il suo popolo verso di lei e Antonio troneggiante sulla piazza del mercato rimase seduto solo solo zufolando all'aria; la quale se il vuoto fosse stato cosa possibile sarebbe andata anch'essa a contemplare Cleopatra lasciando una lacuna nella natura.
AGRIPPA: Mirabile Egiziana!






Domitius Enobarus. I will tell you.
The barge she sat in, like a burnish'd throne,
Burn'd on the water: the poop was beaten gold;
Purple the sails, and so perfumed that
The winds were love-sick with them; the oars were silver,
Which to the tune of flutes kept stroke, and made
The water which they beat to follow faster,
As amorous of their strokes. For her own person,
It beggar'd all description: she did lie
In her pavilion—cloth-of-gold of tissue—
O'er-picturing that Venus where we see
The fancy outwork nature: on each side her
Stood pretty dimpled boys, like smiling Cupids,
With divers-colour'd fans, whose wind did seem
To glow the delicate cheeks which they did cool,
And what they undid did.

Agrippa. O, rare for Antony!
Domitius Enobarus. Her gentlewomen, like the Nereides,
So many mermaids, tended her i' the eyes,
And made their bends adornings: at the helm
A seeming mermaid steers: the silken tackle
Swell with the touches of those flower-soft hands,
That yarely frame the office. From the barge
A strange invisible perfume hits the sense
Of the adjacent wharfs. The city cast
Her people out upon her; and Antony,
Enthroned i' the market-place, did sit alone,
Whistling to the air; which, but for vacancy,
Had gone to gaze on Cleopatra too,
And made a gap in nature.

Agrippa. Rare Egyptian!




Vedi, come fonte di Shakespeare, Plutarco, “ Vita di Antonio “, cap. 26.


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